Rien ne les poussait l’un vers l’autre
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Il aimait les blondes menues
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Elle était rouquine et charnue
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Les pieds plantés, la taille haute
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Elle les aimait plutôt grands
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Et baraqués façon gorilles
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Il avait de faux airs de fille
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Moyen, mais tout à fait charmant
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Un beau jour qu’au bureau de vote
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Il attendait les résultats
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Devant ses pieds, il échappa
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Des fleurs achetées pour Charlotte
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Elle dit «Je m’appelle Emma
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Vous saviez que j’aimais les roses»
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Il n’osa pas nier la chose
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Elle repartit à son bras
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Elle était rapide en affaires
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Au second tour des élections
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Il se maria à reculons
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Elle invita la Terre entière
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Elle fit de leur nid d’amour
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Un paradis jardin-terrasse
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Il se bricola un espace
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À l’entresol donnant sur cour
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Leur vie s'écoula sans problème
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C’est lui qui voulut des enfants
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Dans un monde un peu différent
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Il les eût bien portés lui-même
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Elle les lui laissait sans dépit
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«Chéri, c’est toi qui t’en occupes»
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Et elle époussetait sa jupe
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Lui se roulait sur les tapis
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Elle ne rêvait que de montagne
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Et de chalet, de pics neigeux
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Il appelait de tous ses vœux
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Un petit voilier en Bretagne
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Ils achetèrent simplement
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Une ferme en vallée de Loire
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Pour les enfants, la belle histoire
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Que ces vacances en pleins champs
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Chacun faisant son bout de route
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Ils vieillirent sans y penser
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Jugeant que c'était bien assez
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De dissiper ses propres doutes
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Elle mourut à contrecœur
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Il la suivit par politesse
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Pour ne dépenser qu’une messe
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Pour ne pas gaspiller les fleurs
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Rien ne les poussait l’un vers l’autre
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Rien ne les sépara non plus
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Si ça se trouve, ils n’ont pas su
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Avoir fait un parcours sans fautes
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Mais leurs enfants tout éperdus
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Firent graver dessus leur tombe
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Sous l’image de deux colombes
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«Ce fut un beau malentendu» |