| Est-ce ma vue qui a baissé, un tour que me joue mon cerveau?
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| Y vois-je trop clair ou trop foncé, fait-il trop jour, ou nuit trop tôt?
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| Est-ce d’avoir trop longtemps fixé les touches d’un piano
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| Les cases d’un échiquier, ou trop raturé de mots
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| Comme dans les cinémas d’antan, je vois le monde en noir et blanc
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| Noirs, les marchés truqués, des trafiquants de rêves
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| Blanc, le drap que l’on tend sur tous ceux qui en crèvent
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| Noir, le sang de la Terre et l’or qui en jaillit
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| Blanche, la couleur que prend l’argent au paradis
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| Noires, marées et fumées, et la colère du ciel
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| Blanche, dans les veines des enfants, la neige artificielle
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| Noirs, les fusils d’assaut des soldats de dix ans
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| Blanche, la robe des mariées qui en ont presque autant
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| Le monde est noir et blanc
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| Quelqu’un a éteint la lumière, ou quelque chose m'éblouit
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| Comme, dans le ciel, un éclair qui vient soudain rayer la nuit
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| Est-ce qu’on devient sans le savoir daltonien avec le temps?
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| Pour ne plus avoir à revoir, un jour, la couleur du sang
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| Ou est-ce que ce monde est vraiment aussi noir qu’il est blanc?
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| Blanc, mon masque de clown, mes tempes et mes cheveux
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| Noir, le voile des femmes dans l’ombre de leur Dieu
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| Blanc, l'éclat des diamants et les doigts qui les portent
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| Noirs, les mains et le sang de ceux qui les rapportent
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| Blancs, tous ces chèques signés aux escrocs de la guerre
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| Noir, l’avenir des hommes, le fond de l’univers
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| Blancs, les coraux éteints, l’ivoire des éléphants
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| Noir, le lit des rivières, la pluie sur l’océan
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| Le monde est noir et blanc
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| On peut prier, chanter la Terre, boire et se couvrir de fleurs
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| Quel que soit le somnifère, on ne rêve jamais en couleurs
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| Est-ce que je deviens clairvoyant, ou ai-je les yeux de la peur
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| Faut-il avoir 17 ans pour voir le monde en couleurs?
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| Le monde en couleurs |