Notre voisin l’ancêtre était un fier galant
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Qui n’emmerdait personne avec sa barbe blanche,
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Et quand le bruit courut que ses jours étaient comptés,
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On s’en fut à l’hospice afin de l’assister.
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On avait apporté les guitares avec nous
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Car, devant la musique, il tombait à genoux,
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Excepté toutefois les marches militaires
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Qu’il écoutait en se tapant le cul par terre.
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Émules de Django, disciples de Crolla,
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Toute la fine fleur des cordes était là
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Pour offrir à l’ancêtre, en signe d’affection,
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En guise de viatique, une ultime audition.
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Hélas! |
les carabins ne les ont pas reçus,
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Les guitares sont restées à la porte cochère,
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Et le dernier concert de l’ancêtre déçu
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Ce fut un pot-pourri de cantiques, peuchère!
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Quand nous serons ancêtres,
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Du côté de Bicêtre,
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Pas de musique d’orgue, oh! |
non,
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Pas de chants liturgiques
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Pour qui avale sa chique,
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Mais des guitares, cré nom de nom!
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On avait apporté quelques litres aussi,
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Car le bonhomme avait la fièvre de Bercy
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Et les soir de nouba, parole de tavernier,
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A rouler sous la table il était le dernier.
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Saumur, Entre-deux-mers, Beaujolais, Marsala,
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Toute la fine fleur de la vigne était là
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Pour offrir à l’ancêtre, en signe d’affection,
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En guise de viatique, une ultime libation.
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Hélas! |
les carabins ne les ont pas reçus,
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Les litres sont restés a la porte cochère,
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Et le coup de l'étrier de l’ancêtre déçu
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Ce fut un grand verre d’eau bénite, peuchère!
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Quand nous serons ancêtres,
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Du côté de Bicêtre,
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Ne nous faites pas boire, oh! |
non,
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De ces eaux minérales,
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Bénites ou lustrales,
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Mais du bon vin, cré nom de nom!
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On avait emmené les belles du quartier
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Car l’ancêtre courait la gueuse volontiers.
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De sa main toujours leste et digne cependant
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Il troussait les jupons par n’importe quel temps.
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Depuis Manon Lescaut jusque à Dalila
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Toute la fine fleur du beau sexe était là
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Pour offrir à l’ancêtre, en signe d’affection,
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En guise de viatique, une ultime érection.
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Hélas! |
les carabins ne les ont pas reçues,
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Les belles sont restées à la porte cochère,
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Et le dernier froufrou de l’ancêtre déçu
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Ce fut celui d’une robe de soeur, peuchère!
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Quand nous serons ancêtres,
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Du côte de Bicêtre,
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Pas d’enfants de Marie, oh! |
non,
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Remplacez-nous les nonnes
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Par des belles mignonnes
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Et qui fument, cré nom de nom! |