| Jadis, au lieu du jardin que voici
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| C'était la zone et tout ce qui s’ensuit
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| Des masures, des taudis insolites
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| Des ruines pas romaines pour un sou
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| Quant à la faune habitant là-dessous
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| C'était la fine fleur, c'était l'élite
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| La fine fleur, l'élite du pavé
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| Des besogneux, des gueux, des réprouvés
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| Des mendiants rivalisant de tares
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| Des chevaux de retour, des propre'-à-rien
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| Ainsi qu’un croque-notes, un musicien
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| Une épave accrochée à sa guitare
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| Adopté' par ce beau monde attendri
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| Une petite fée avait fleuri
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| Au milieu de toute cette bassesse
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| Comme on l’avait trouvé' près du ruisseau
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| Abandonnée en un somptueux berceau
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| A tout hasard on l’appelait «princesse»
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| Or, un soir, Dieu du ciel, protégez-nous !
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| La voilà qui monte sur les genoux
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| Du croque-notes et doucement soupire
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| En rougissant quand même un petit peu:
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| «C'est toi que j’aime et, si tu veux, tu peux
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| M’embrasser sur la bouche et même pire…»
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| «- Tout beau, princesse arrête un peu ton tir
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| J’ai pas tell’ment l'étoffe du satyr'
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| Tu as treize ans, j’en ai trente qui sonnent
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| Gross' différence et je ne suis pas chaud
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| Pour tâter d’la paille humid' du cachot…
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| — Mais, Croque-not's, j’dirai rien à personne…»
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| — N'insiste pas, fit-il d’un ton railleur
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| D’abord, tu n’es pas mon genre, et d’ailleurs
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| Mon coeur est déjà pris par une grande…"
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| Alors Princesse est partie en courant
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| Alors Princesse est partie en pleurant
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| Chagrine qu’on ait boudé son offrande
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| Y’a pas eu détournement de mineure
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| Le croque-notes, au matin, de bonne heure
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| A l’anglaise a filé dans la charrette
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| Des chiffonniers en grattant sa guitare
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| Passant par là, quelques vingt ans plus tard
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| Il a le sentiment qu’il le regrette |