| A l’hôpital de la Salpétrière
|
| Un médecin connu, un grand patron
|
| La légion d’honneur à la boutonnière
|
| Devant les lits et la consultation
|
| Une fillette est là avec sa mère
|
| Le docteur dit: «Elle a le teint pâlot»
|
| Donnez-lui donc de façon régulière
|
| Matin et soir une assiette de pruneaux
|
| — On n’en a pas, dit l’infirmier
|
| La mère accourt chez l'épicier
|
| «Donnez-moi des pruneaux
|
| Des pruneaux pour ma fille
|
| Une livre, un kilo
|
| Donnez-moi des pruneaux
|
| Si c’est des pruneaux cuits
|
| Gardez-les dans leur jus
|
| Si c’est des pruneaux crus
|
| J’attendrai qu’ils soient cuits
|
| Donnez-moi des pruneaux
|
| Des pruneaux pour ma fille
|
| Des petits ou des gros
|
| Donnez-moi, donnez-moi, donnez-moi des pruneaux»
|
| Elle continua gravissant son calvaire
|
| Et vit au loin un endroit mal fâmé
|
| Ou les clients à coups de revolvers
|
| Réglaient des comptes qu’ils avaient à régler
|
| Sans hésiter elle traversa la rue
|
| Le cœur gonflé de son dernier espoir
|
| Mais elle reçue une balle perdue
|
| Et quand on la retrouva sur le trottoir
|
| Aux deux agents qui l’emportaient
|
| Les yeux fermés elle chantait:
|
| «Donnez-moi des pruneaux
|
| Des pruneaux pour ma fille
|
| Des petits ou des gros
|
| Donnez-moi des pruneaux»
|
| En retirant son képi alors un agent dit:
|
| «Pruneaux cuit, pruneaux crus
|
| Je crois que tout est foutu
|
| Faut l’emporter à l’hosto
|
| Pour retrouver sa fille
|
| Et tirer le rideau
|
| Sur l’histoire, sur l’histoire des pruneaux.» |