Je reçois, à l’instant où je rentre chez moi
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Votre missive bleue, Madame
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Vingt fois je la relis, et mes yeux n’y croient pas
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Pourtant, c’est écrit là, Madame
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Et de votre douleur, je me sens pénétrée
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Mais je ne pourrais rien, Madame
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Vous savez, aujourd’hui, que de l’avoir perdu
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C’est lourd à supporter, Madame
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Vous demandez pardon de n’avoir pas compris
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Ce qu'était notre amour, Madame
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Vous n’aviez que ce fils, vous aviez peur de lui
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Et vous l’avez gardé, Madame
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Ne me demandez pas ce qu’a été ma vie
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Quand vous me l’avez pris, Madame
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Je me suis toujours tu, ce n’est pas aujourd’hui
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Que je vous le dirais, Madame
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Vous eussiez préféré, je vous retrouve là
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Qu’il fût mort en héros, Madame
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Oui, c’eût été plus noble, je vous crois
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Que de mourir d’amour, Madame
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Mais qu’il soit mort ici ou qu’il mourût là-bas
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Auriez-vous versé moins de larmes?
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Il en a décidé, lui seul avait le droit
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Il faut vous résigner, Madame
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C’est trop tard, maintenant, pour que je vous revienne
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Et vous vieillirez seule, Madame
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Et ne m’en veuillez pas si je parais cruelle
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Mais je l’ai trop aimé, Madame
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Pour qu'à la fin du jour, près d’une cheminée
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Nous évoquions ensemble, Madame
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Celui que, vous et moi, nous avons adoré
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Et perdu tout ensemble, Madame
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Mais le chagrin m'égare, il faut me pardonner
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J’ai mal de votre mal, Madame
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Mais que faire, et quoi dire, puisqu’il s’en est allé?
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Je ne puis rien pour vous, Madame
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Pour la seconde fois, il va nous séparer
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Non, je ne viendrai pas, Madame
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Car, le perdre deux fois, c’est lourd à supporter
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Vous me comprendrez bien, Madame
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Je reçois, à l’instant où je rentre chez moi
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Votre missive bleue, Madame
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Vingt fois je la relis, et mes yeux n’y croient pas
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Pourtant, c’est écrit là, Madame
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Et de votre douleur, je me sens pénétrée
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Mais je ne puis plus rien, Madame
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Vous saurez, comme moi, que de l’avoir perdu
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C’est lourd à supporter, Madame |