Peut-être que, sans doute,
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Tout vint d’une goutte
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Que la goutte se fit flaque
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Et puis de flic en floc, un lac
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Pour devenir enfin la mer
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Mais juste un bébé-mer !
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On ne devient pas une mer adulte
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Une grande mer comme ça, d’un seul coup
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Il en fallut bien du temps
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Pour alanguir ses contours
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Arrondir ses bassins
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Choisir sa garde-robe
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Afin d'être prête en toute occasion
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À s’offrir aux quatre saisons
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Et puis du temps, encore
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Pour en finir par n’avoir plus d'âge
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Ou, tous ses âges confondus,
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Une mer universelle, quoi !
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(On naît, nous sommes, nous étions
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En somme nous étions venus
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Tout emplis d'étranges questions
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Auprès de ta vague, à pieds nus
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Des paumes blanches, des peaux noires
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Qui se sont mirées sur tes flancs
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Et se sont étonnées d’y voir
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Que leurs ossements étaient blancs
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On naît, nous sommes, nous serons
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En somme nous serons issus
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Tissu de mouton, forgeron
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Et l’air de l’avoir toujours su
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Sûrs d’un jour s'être rencontrés
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Attirés par un doux bruit d’eau
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Enfants des petites marées
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Et futurs vendeurs de radeaux)
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On naît, on ne sera, nous sommes
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Ivres d’eau, assoiffés de vivre
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Jamais rien d’autre que des hommes
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Échoués au bord de tes rives
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(Trop haut l’amour, on se côtoie
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Chacun arrivé de partout
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Et chacun arrivait vers toi
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Qui l’amulette ou le bijou
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Ô mer, que tes vagues sont lentes
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Nous étions, nous sommes, on est
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Nous avons million dans ton ventre
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Enceint ta Méditerranée
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On est, nous sommes, nous étions
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Ensemble des poissons volants
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Le sable a donné le béton
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Et nos rires sont restés blancs
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Ô mer, que tes vagues sont lentes
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Nous étions, nous sommes, on est
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Nous avons million dans ton ventre
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Enceint ta Méditerranée)
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Comment font les cargos ventrus
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Pour ne pas se perdre en chemin?
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Il n’y a pas un nom de rue
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Sur les flots ni bornes ni rien
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C’est valable pour les poissons
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Les sous-marins et les crevettes
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Comment retrouver sa maison
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Quand on n’a pas de boîte à lettres?
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Et pour distribuer le courrier
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Pas un numéro aux portails
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Pareil pour les scaphandriers
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Pas d'écriteaux, pas un signal
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Sans flèche, sans un pointillé
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Sans une croix, sans un repère
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Sans la chance d'être noyé
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N’importe quel terrien se perd
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Le requin, la pieuvre, la sole
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Qui sait lire les sémaphores,
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Et qui se soucie des boussoles?
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Pourtant tout arrive à bon port ! |